samedi 27 juin 2015

Ignorer les signes avant-coureurs ?

Depuis une quinzaine d'années, des collectifs de médecins s'organisent dans le monde entier pour alerter les autorités sanitaires et l'opinion publique sur les dangers des rayonnements du sans fil. Récemment, ces appels se sont multipliés, que ce soit en France ou en Belgique avec le 5e colloque de l'appel de Paris, ou en Allemagne avec le renouvellement de l'appel de Fribourg dix ans après leurs premiers avertissements ou encore en Amérique, en Angleterre, au Canada, en Suisse, en Finlande etc.

Sommes-nous réellement prêts à nous payer le luxe d'ignorer ces alertes, d'ailleurs de plus en plus pressantes et graves?

A l'ENSOW, nous prenons particulièrement en considération ces avertissements puisqu'ils émanent des médecins qui, contrairement à beaucoup d'experts, sont quotidiennement sur le terrain clinique, en contact réel et vivant avec leurs patients depuis le début du déploiement des technologies sans fil. A l'ENSOW nous considérons que ces appels de médecins constituent une source particulièrement fiable et surtout indépendante en matière de clarification du risque de ces technologies, puisque les médecins n'ont aucun intérêt industriel ou militaire à protéger, ni rien à vendre qui touche de loin ces technologies.

Tout est déjà en place


Quel étrange air de déjà-vu, cette discordance entre d'un côté les experts des autorités sanitaires qui préfèrent s'appuyer sur les études qui ne trouvent pas "d'effet avéré" et de l'autre côté une multitude d'associations nationales, des ONG, des collectifs de scientifiques, des journalistes d'investigation, des juristes, des collectifs de citoyens qui s'engagent contre l'implantation d'antennes relais et pour finir des collectifs de médecins, qui, eux, alertent depuis une quinzaine d'années sur les dangers à court, moyen et long terme des radiations du sans fil. Il est aisé de constater que cette situation présente tous les ingrédients des autres scandales sanitaires qui ont marqué les 60 dernières années:

Ainsi nous sommes face à:
  1. une technologie d'importance systémique pour l'économie et l'industrie qui brasse des milliards, autrement dit: une reconnaissance du risque poserait un problème sur le plan de l'économie, des marchés financiers et de l'emploi.
  2. des malades en nombre croissant partout dans le monde
  3. des milliers de médecins dans chaque pays qui alertent depuis une dizaine d'années sur les liens constatés cliniquement entre ces ondes et les troubles de leurs patients
  4. plusieurs milliers d'études publiées à comité de lecture qui montrent des effets sanitaires, ainsi qu'un nombre croissant d'études répliquées (c'est-à-dire vérifiées par d'autres équipes de chercheurs qui ont trouvé les mêmes résultats)
  5. des centaines de scientifiques du monde entier qui lancent des appels aux autorités sanitaires nationales et mondiales depuis une quinzaine d'années
  6. un nombre croissant d'associations, ONG et collectifs qui se constituent depuis une vingtaine d'années
  7. les assurances qui n'assurent plus les risques sanitaires liés à la technologie sans fil depuis 12 ans déjà (oui, vous avez bien lu, les opérateurs ne sont pas couverts par leurs polices de réassurance !)
  8. un discours officiel de déni qui, malgré tous ces indicateurs, demande toujours plus d'études pour "confirmer" un risque éventuel, comme si la science n'était pas capable en l'espace de deux décennies d'infirmer ou confirmer le risque liée à cette technologie. Annie Thébaud-Mony appelle cette stratégie: "la reconduction infinie du doute" ou encore "l'incertitude indéfiniment reconduite"

L'artifice du risque "avéré"


Nous avons là tous les éléments en place qui caractérisent un scandale sanitaire et qui ont caractérisé les scandales de l'amiante, du nucléaire, de l'essence plombée, des pesticides et j'en passe. Et à chaque fois, c'est la stratégie du doute mise en place par l'industrie qui empêche la juste reconnaissance du risque de se faire. Comment? En exigeant le niveau de preuve d'un risque avéré.
« Le paradigme du doute s'impose toujours dans la communauté scientifique pour exiger des preuves d'un risque avéré. Année après année, des résultats qui pourraient constituer un appui à la prévention sont systématiquement contestés: l'expérimentation animale ne serait pas pertinente, les données humaines ne seraient pas représentatives et les données d'exposition ne seraient pas fiables.

La complexité du vivant résiste cependant à une interprétation mécanique simple (voire simpliste) de cette action des toxiques dans l'organisme. Cette complexité est mise à profit par les industriels pour exiger des "preuves", souvent scientifiquement inaccessibles, et surtout dénuées de sens face à l'évidence du danger.
»
La Science Asservie, Annie Thébaud-Mony
Regardez donc par vous-même comment Monsieur Mortureux, directeur général de l'ANSES, insiste sur le mot "avéré" dans sa conclusion sur le rapport de l'ANSES, c'est tout à fait symptomatique:


Demander un risque "avéré" revient donc à demander un niveau de preuve scientifiquement inaccessible. Inaccessible car la complexité du vivant n'est pas linéaire et mécanique. Si tel était le cas, absolument chaque fumeur devrait mourir d'un cancer du poumon ou de la gorge, chaque ouvrier de l'amiante devrait mourir d'un mésothéliome ou d'une asbestose et toute personne exposée au plomb devrait souffrir de saturnisme. Or, il n'en est pas ainsi. Nous sommes néanmoins d'accord (au terme de scandales longs et laborieux) pour dire qu'il s'agit de substances hautement toxiques. La défense de produit, cependant, veut nous faire croire qu'il faudrait une preuve de risque "avéré". On voudrait que chaque fumeur meure d'un cancer pour être sûr que la cigarette est bien cancérigène. De cette attitude dilatoire naît la reconduction à l'infini de l'incertitude ce qui amène les autorités sanitaires à demander toujours plus d'études et encore d'autres études pour enfin accéder à ce haut niveau de preuve qui n'existe pour aucune substance. Entre-temps, les substances ou les technologies toxiques continuent de se vendre dans l'impunité la plus totale.

Le conseil de l'Europe partage cette façon d'analyser la situation. Ainsi, on peut lire dans sa résolution 1815 datant de 2011:
« Attendre des hauts niveaux de preuves scientifiques et cliniques  avant d’agir pour prévenir des risques bien connus peut entraîner des coûts très élevés en terme de santé et d’économie, comme ce fut le cas avec l’amiante, l’essence au plomb et le tabac. »
En résumé, en quoi consiste alors cette stratégie du doute? Grâce aux travaux d'Annie Thébaud-Mony, aux investigations du spécialiste du lobbying Roger Lenglet et grâce aux rapports de l'Agence Européenne pour l'Environnement, on peut résumer cette stratégie en 7 points:
  1. discréditer systématiquement les études scientifiques qui trouvent un impact sanitaire
  2. dépêcher immédiatement un étude négative en réponse à une nouvelle étude qui met en évidence des effets sur la santé
  3. si ce n’est pas possible, discréditer et mettre en question la compétence des scientifiques ayant mené cette étude ou alors mettre en question leurs méthodes
  4. proposer une autre interprétation d'études positives
  5. essayer d’influer sur la perception de ce que le public considère comme "bonne science" et changer les pratiques scientifiques à l'avantage de l'industrie (ce que l'industrie du tabac a effectivement réussi)
  6. créer des fondations “indépendantes” de recherche qui conduisent des études ne trouvant systématiquement aucun effet négatif sur la santé
  7. demander toujours plus d’études scientifiques pour confirmer, ce qui maintient dans l’opinion publique l’impression d’une incertitude. Et tant que le consommateur n'est pas béni par l'unanimité scientifique, il continue d'acheter sans se faire de soucis.

Un signe précoce à ne pas ignorer: les médecins et leurs patients


L’appel de Fribourg en 2002 (plus de 1000 médecins signataires) n’est qu'un exemple de ces signes avant-coureurs. Dix ans après leur premier appel, les médecins de l’appel de Fribourg réitèrent leur appel en 2012. C’est un signal fort, puisque leur message prend le contre-pied de ce qu'affirme Eduscol dans sa circulaire à propos de l'installation de la Wifi dans les salles de classe. Eduscol se base sur une interprétation biaisée et sur certains points carrément fautive du rapport de l'ANSES de 2013 et affirme carrément qu'il n'y a aucun danger. Or, les plus de 1000 médecins de l'appel de Fribourg et bien d'autres affirment qu'il y a un lien direct évident entre l'apparition de troubles de la santé chez leurs patients et l'exposition aux radiofréquences pulsées:
« De plus en plus fréquemment, nous observons également une relation temporelle et spatiale claire entre l'apparition de ces symptômes, les troubles et le début d'une exposition à des radiations. »
C'est-à-dire que les médecins ont constaté l'apparition ou la disparition des troubles selon deux facteurs: le temps et l'espace.
Le temps: ils constatent que les troubles ont commencé après un déménagement dans un appartement ou une maison très exposés (Wifi des voisins, antenne de téléphonie mobile, téléphone fixe sans fil des voisins qui rayonnent souvent très loin à des niveaux bibliques).
L'espace: les troubles de leurs patients disparaissent dès lors qu'ils passent quelques jours dans des endroits non-exposés.

De quels troubles s'agit-il? Voici les symptômes recensés dans leur appel:
« Nous observons actuellement une augmentation inquiétante des problèmes de:
  • santé mentale (dépression, anxiété, crise de panique)
  • trouble du sommeil, épuisement
  • accidents vasculaires cérébraux chez des personnes jeunes
  • troubles neuro-dégénératifs (apparition précoce de syndromes de démence)
  • céphalées
  • acouphènes
  • autisme
  • troubles de l'apprentissage
  • problèmes de concentration
  • troubles du comportement
  • augmentation régulière des allergies
  • problèmes de peau
  • syndromes douleureux
  • sensibilité aux infections
  • hypertension artérielle
  • troubles du métabolisme »
Ces troubles coïncident comme par hasard avec la recherche indépendante dont les études mettent en lumière une action néfaste sur
  • le système nerveux
  • la barrière hémato-encéphalique censée protéger le cerveau d'intrus
  • la perturbation de la communication cellulaire et moléculaire
  • les gènes
  • les système cardiovasculaire
  • le sommeil (action sur la mélatonine)
  • etc.
Les médecins précisent également:
« Les enfants et les adolescents sont plus vulnérables. Après la leucémie, les tumeurs du cerveau sont la seconde cause de cancer chez l'enfant. En Europe, le taux de cancer chez l'adolescent a augmenté de 1,5% par an. En Angleterre, les tumeurs du lobe frontal et temporal ont significativement augmenté entre 1999 et 2009. Les enfants affichent de plus en plus un comportement addictif quant à l'utilisation de leur portable et des technologies sans fil. De nombreux appels et résolutions appellent pourtant à une protection spécifique des enfants et des adolescents (Résolution 1815 de 2011 du Conseil de l'Europe). »
Nous rappelons que de tels appels se sont multipliés ces derniers temps dans le monde entier. Voici quelques appels importants:
  • 2002: l'appel de Fribourg: plus de 1000 médecins et plus de 36.000 supporters
  • 2005: appel de Helsinki
  • 2007: appel de Bruxelles
  • 2009: Le Syndicat de Médecine Générale signe un appel contre l'Académie de Médecine
  • 2009: appel de Paris (Artac)
  • 2010: appel international de Würzburg
  • 2012: 2e appel de Fribourg
  • 2012: 1500 médecins suisses demandent des valeurs limites plus strictes
  • 2012: En GB des associations médicales appellent à des technologies plus sûres dans les écoles
  • 2012: 2500 médecins de l'Association Santé Environnement France interpellent dans une lettre ouverte les parlementaires
  • 2013: l'Académie américaine de pédiatrie
  • 2013: l'Académie américaine de médcine environnementale contre le Wifi à l'école
  • 2015: appel international de 206 scientifiques renommés à l'ONU et l'OMS dont le message se fait particulièrement pressant.
  • 2015: réitération de l'appel de Paris, sur lequel nous avons écrit un article
Alors, sommes-nous réellement prêts
à ignorer ses signes avant-coureurs ?

Les mêmes signes précoces existaient pour tant d'autres technologies et produits industriels dont l'importance économique a empêché la reconnaissance du risque sanitaire avant qu'il ne soit trop tard. Il est hautement improbable que tous ces signes ne soient finalement que des avertissements sans fond ou le fruit d'une poignée de technophobes hystériques. L'histoire industrielle en est la preuve puisque l'Agence Européenne pour l'Environnement nous apprend qu'il n'a jamais existé une telle mobilisation de médecins, scientifiques et citoyens autour d'une toxine qui s'est finalement révélée infondée. Jamais de toute l'histoire industrielle avait-on pris des mesures de précaution qui se sont finalement révélées inutiles...

Est-ce que le bon sens ne nous impose alors pas de prendre des précautions pour nous-mêmes et tout au moins pour nos enfants ?

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