Un doudou digital maléfique
D’où la difficulté pour certains d’entre eux à comprendre qu’il y a péril en la demeure.  » Pris par un rythme de travail soutenu et installés dans des habitudes dont ils ne réalisent pas qu’elles sont néfastes, comme le dîner tardif, les adultes banalisent l’heure du coucher différée ou encore l’utilisation des smartphones après le repas. Or, il faut nécessairement discipliner la routine quotidienne en semaine. Les enfants sont débordés ! Entre des horaires scolaires beaucoup trop lourds, des devoirs interminables qu’on leur demande de réaliser à la maison, des week-ends consacrés aux activités et aux sorties, il s’agit de maltraitance. Et le mot est loin d’être exagéré ! « , s’insurge l’experte, atterrée devant les chiffres qui en disent long.

Et de dénoncer des comportements inappropriés, quand on lui rappelle les observations de la dernière enquête SMART.USE en Fédération Wallonie-Bruxelles, datant de 2016. Elle montre notamment que plus de six jeunes sur dix consultent leur smartphone dans les quinze premières minutes après le lever.  » Si on n’éduque pas son enfant à l’utilisation des écrans, télévision comprise, il repoussera sans cesse les limites. C’est aux parents à instaurer des règles claires afin que leur progéniture ne devienne pas une génération zombie en décalage horaire permanent ! « , insiste la psychologue. Selon le sondage Dedicated, un môme sur trois n’aurait jamais reçu d’interdiction parentale. Pas étonnant, dans ce contexte, que 60 % des kids emmènent leur smartphone sous la couette. Conséquence directe : 30 % d’entre eux manquent de sommeil à l’école primaire, contre 85 % en secondaire. Or, la dette de repos est loin d’être anodine chez ces êtres en pleine croissance.  » L’écran devient une sorte de compagnon indéfectible dont on ne se sépare plus, au point de reléguer la peluche fétiche au rang d’objet ringard que l’on troque contre son doudou digital « , déplore Diane Drory. Or, si un nounours apaise et favorise l’endormissement, le smartphone, lui, consume l’énergie du petit, quel que soit son âge.
Clémence Peix-Lavallée, experte scientifique en gestion du stress du sommeil, sophrologue et auteure du récent ouvrage Bien dormir sans médicaments. Enfin, je dors ! (lire par ailleurs), n’y va pas par quatre chemins. Pour elle, le message est clair, le  » junk sleep « , ou sommeil poubelle, entame considérablement le repos dont le cerveau a besoin pour récupérer et fonctionner de façon optimale.  » A mon cabinet, tous les ados se plaignent de piquer du nez en cours, de dormir en classe sans pouvoir lutter. En découlent une baisse de concentration, de mémorisation, des difficultés d’apprentissage, des troubles de l’humeur, une augmentation du risque de dépression, la prise de poids. Sans oublier la susceptibilité à fleur de peau, l’irritabilité et le pessimisme, jusqu’aux idées noires.  » De quoi faire réfléchir avant de saboter ses nuits à coups de présence sur les réseaux sociaux ou de zappette sur la télé.
Des mômes nomophobes

La dernière enquête du HBSC pointe d’ailleurs les conséquences de la fatigue sur le comportement des élèves en termes de troubles de concentration, de l’attention, et de risque plus élevé de décrochage scolaire. Diane Drory, elle, met en garde contre la nomophobie chez les kids, ou la peur d’être séparé de son téléphone mobile… et donc des autres.  » D’où l’importance d’apprendre à nos enfants à déconnecter de temps en temps, à installer de bonnes habitudes. Il est crucial de cesser de faire de cet appareil un objet d’asservissement.  » Car à voir le comportement des jeunes, ils en seraient plus esclaves qu’ils ne le croient : la plupart n’éteignent pas leur smartphone, où qu’ils soient (87,1 %), ni la nuit (81,8 %), l’utilisent quand ils mangent seuls (88,1 %), aux toilettes (82,7 %), au lit (89,4 %), plus longtemps que prévu (88,9 %), en regardant un programme intéressant à la télé (87,8 %)…  » Cela peut altérer la santé mentale. Angoisse ou stress quand ils ne peuvent pas utiliser leur mobile ou, a contrario, une immense satisfaction quand c’est le cas. Certains enfants/ados ont besoin de leurs smartphones pour se sentir bien. Il y a matière à s’inquiéter, encore plus si c’est la nuit. Il faut réapprendre à dormir « , constate Clémence Peix-Lavallée. Amener son enfant à rester maître de son smartphone serait le premier pas d’une consommation raisonnable et raisonnée de l’appareil qui, bien utilisé, peut être un formidable outil. De quoi dormir sur ses deux oreilles, pour lui comme pour ses parents.